Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

L'affaire Seznec : le huis clos de la mort de François Le Her

 

 

 

 

 

 

  À huis-clos : Sans public, en secret.

 

 

 

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Un homme de loi me demanda un jour : « Si vous deviez tuer un homme debout face à vous avec un revolver, d’après vous où se logeraient les balles ? »

 

La question me déstabilisa. Primo, j’ai une profonde horreur des armes. Quelles qu’elles soient. Ce qui explique le Secundo : je ne pouvais m’imaginer dans une telle action.

 

Et pourtant la réponse me vint naturellement : « Selon sa grandeur face à la mienne, les balles se logeraient autour de l’estomac, un peu au-dessus ou un peu au-dessous. »

 

« Très bien, me répondit l’homme de loi. Alors, comment expliquez-vous que François Le Her soit mort de trois balles dans la tête tirées à bout portant par son épouse Jeanne. La troisième connue sous le nom de coup de grâce, puisque tirée derrière la nuque. »

 

 

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Guillaume Seznec et François Le Her

 

 

Cette conversation n’est pas récente. Elle m’est revenue à l’esprit en lisant la nombreuse correspondance que m’avait adressée Ernest Godoc. Elle m’est revenue à l’esprit après la lecture du livre de Claude Sylvane/Jane Seznec « Notre bagne ». Je me suis souvenue que Michel Keriel consacrait les 100 dernières pages de son ouvrage « Autour de Seznec » à recopier les différents témoignages du meurtre de François Le Her. Keriel a eu accès aux dossiers des époux Le Her. On peut lire en page de garde de son ouvrage : "J'exprime ici mes remerciements à M. le procureur de la République, au Tribunal de Grande Instance de Quimper, Finistère."



C'est donc un huis clos à quatre personnes. Jeanne et François Le Her. Mais aussi deux personnages qui m'intriguent - Emilien Florent et Lydia Nicaud - comme ils ont intrigué Denis Seznec (lire les pages 389, 390, 391,édition 2006) et Bernez Rouz (page 163). Comme on le dit désormais en langage "Twitter" :

                                                Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?

 

 

 

Je vais donc vous livrer les différents témoignages comme tels. Et je me garderai bien de tout commentaire.

 

 

 

Brest, le 5 octobre 1948.

Conclusions du rapport d’autopsie de Le Her François par Gilles Guyader, Chimiste-Expert à Brest :

 

Le cadavre de Le Her François présente trois blessures par balles, aucune balle n’étant restée incluse. Il y a donc trois orifices d’entrée et de sortie. Les trois balles ont été tirées à courte distance, de la gauche vers la droite de la victime, en ce qui concerne deux d’entre elles d’arrière en avant, en ce qui concerne la troisième ayant pénétré au niveau de la nuque. Ces blessures sont contemporaines de la mort. L’une d’entre elles, celle due à la balle tirée d’arrière en avant au niveau de la nuque, est susceptible d’avoir amené une mort presqu’immédiate. Elle est certainement la cause de la mort.

 

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Témoignage de Jeanne Le Her, le 11 octobre 1948, auprès du juge d’instruction Sultana de Brest :

 

« (…) Mon mari s’est alors précipité sur moi. Il m’a crochée je ne sais pas où. Je sais que sa main est venue par là (l’inculpée nous montre son cou). Il y a eu une courte bagarre, quelques secondes. J’ai eu la certitude qu’il allait me tuer. Je crois qu’il a fait un geste vers l’arme. Je n’en ai pas la certitude. Est-ce ses yeux, est-ce son arme, j’ai vu que j’allais y passer. J’ai sauté sur le revolver comme une affamée. J’ai tiré, tiré, tiré. Je ne savais pas qu’un revolver pétait comme ça. Je ne sais même pas combien de coups. Ne m’en voulez pas si je ne m’en souviens pas bien, ça s’est passé tellement vite. Vous n’allez pas marquer ça sur les journaux. J’en ai assez. »

 

 

Déposition du témoin Florent Emilien :

 

« (…) En l’espace d’un éclair le drame se déroula alors. Le Her s’est levé. Il a voulu saisir sa femme à la gorge. Il s’est précipité les deux mains en avant. Il l’a touchée au cou mais il n’a pas eu le temps de la serrer car elle s’est dégagée à ce moment-là, l’a poussé. Lui, en basculant un petit peu, a voulu saisir le revolver que j’ai alors aperçu sur le buffet où il était recouvert par un journal. Mme Le Her, plus vive que lui, a attrapé le revolver et a tiré dessus trois coups. Lorsque la femme Le Her a tiré, la victime se présentait de trois-quart environ, sa femme voyant son épaule gauche et sa joue gauche. Il était courbé, la figure en direction de la fenêtre car il venait de faire le geste de prendre le revolver qui se trouvait sur le buffet avec la main droite. Dès que les coups de feu ont crépité, j’ai ceinturé Mme Le Her car je l’avais vue relever l’arme et j’avais eu l’impression qu’elle voulait se suicider. »

 

 

Déposition du témoin Nicaud Lydia, veuve Olliveau :

 

« (…) Il lui a sauté à la gorge. Il n’a pas eu le temps de serrer. Elle l’a repoussé d’une poigne ferme. Il est retombé sur sa chaise parce qu’il avait perdu l’équilibre. Il était légèrement courbé, la tête vers la fenêtre et j’ai vu que de sa main droite il faisait un geste vers le buffet. J’ai vu alors, comme il avait poussé un journal, qu’il y avait un revolver sur le buffet et qu’il avait essayé de le prendre. Toute cette scène s’est déroulée très très vite. Plus vive que lui, elle a réussi à prendre le revolver et elle a tiré trois balles. Lorsqu’elle a tiré, il se présentait de trois-quart, montrant la partie gauche de son corps et de sa tête. Mon mari s’est immédiatement précipité sur la femme Le Her que j’ai entendue dire : Mon Dieu… Qu’est ce que j’ai fait… je n’ai qu’à me tuer… C’est ce que j’ai de mieux à faire. J’ai eu l’impression qu’elle allait retourner le revolver sur elle lorsque mon mari l’a ceinturé. »

 

 

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La maison du huis clos : Kergleuchard à Plourin Ploudalmézeau (Finistère)

 

 

 

Réquisitoire définitif :

 

« (…) Furieux, Le Her bondit sur sa femme, et voulut la saisir à la gorge. Celle-ci le repoussa.  Le Her fit un geste vers son revolver placé à portée de main sur le buffet. Plus vive, sa femme s’en saisit et tira. Les témoins ont affirmé que l’inculpée avait pris l’arme et tiré immédiatement, sans avoir fait manœuvrer la culasse, ce qui implique que l’arme était approvisionnée et chargée et que le cran d’arrêt n’était pas mis. »

 

 

Acte d’accusation :

 

« (…) A cet instant Le Her se leva et chercha à saisir sa femme à la gorge, mais elle le repoussa violemment. Perdant l’équilibre, Le Her se retourna et fit un geste vers le buffet. De sa main droite, il heurta et déplaça un journal dissimulant un pistolet posé sur ce meuble. L’accusée se saisit vivement de l’arme et, alors que son mari lui tournait le dos aux trois quarts, elle tira à courte distance trois balles dans sa direction. Toutes atteignirent Le Her, l’une au niveau de l’angle externe de l’œil gauche, l’autre au niveau de la région sous-mentonnière gauche, l’autre enfin au niveau de la région cervicale postérieure, sectionnant la moelle épinière. La mort de Le Her fut instantanée. Telle est la version des faits donnés par l’accusée et par le sieur Florent et la veuve Olliveau qui en furent les seuls témoins. »

 

 

Liliane Langellier

 

 

 

 

JEANNE A PLOURIN

 

Paris Match, 6 août 1949

 

 

 


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