16 Janvier 2014
"Nulle raison ne pourrait justifier le mensonge."
Anton Tchekhov
Pour moi, Claude Bal, il était le chevalier plus blanc que blanc de la piste du café "Au Tambour"...
Il avait su aller plus loin sur "la bande à Berthe Rallu". Et dans son jeune enthousiasme, il en avait porté, avec l'accord de Guillaume Seznec, une demande en révision en 1955.
Et puis, en cette fin d'année 2013, voilà que "L'Affaire Seznec revisitée" démonte totalement le lego de cette piste dans un article que - je l'espère - vous avez lu :
Hier, très tard, je lis et relis mon dernier article. Et surtout la lettre de demande en révision déposée par Mes Biaggi, Hubert et par Claude Bal. Et, la nuit portant conseil, je me réveille ce matin en me demandant : "Mais de qui se moque-t-on là ???"
On est dans "Bonny, Boulic, Bolloch", soit l'obsession habituelle number one, le serveur qui a vu les dollars or à la terrasse de l'Hôtel des Voyageurs à Brest et le mec qui aurait amené un voyageur à Traou Nez....
Où est la piste du Tambour ???
Alors, je file reprendre son livre. Qui porte quand même en page de garde : "... Et à l'attention de Monsieur LE GARDE DES SCEAUX."
Et puis je découvre, pour la première fois, la quatrième de couverture, signée J.R. :
"J'ai rencontré Claude Bal alors qu'il n'avait pas encore dix-huit ans ; il taquinait la muse, et les poèmes qu'il écrivait apportèrent la preuve de son talent littéraire.
Plus tard, il lui arrivait de partir trois mois pour la campagne et d'en revenir avec les trois cents pages d'un roman qu'il finissait toujours par détruire. Je ne lui donne pas tort : il a appris son métier avec intelligence.
Il a exercé toutes les professions, et pourtant, il n'a que vingt-cinq ans. Ce qui l'a sauvé, c'est qu'il n'a jamais cessé d'écrire. Une fois encore, je l'approuve, car c'est là son véritable métier.
On s'attendait qu'il présente un roman au Prix Goncourt... Non, il a rencontré Seznec, découvert son histoire, mené une difficile enquête et démontré l'innocence de l'ancien forçat. Là où tous les autres avaient échoué depuis plus de trente ans, il a réussi avec éclat.
Son ouvrage est l'un des plus passionnants "policiers" que j'aie jamais lu, un "policier" vécu, dans lequel Claude Bal a fait toute la lumière sur la plus mystérieuse affaire de ce siècle : l'assassinat du Conseiller Général Pierre Quémeneur. Sans tout son talent, toute sa persévérance, tout son courage, ce jeune écrivain-enquêteur n'y serait jamais parvenu."
J'en reste sans mots....
J'ai repris le livre. Histoire de voir comment il se composait. Je ne vous l'épargne pas :
Chapitre I : Pierre Quémeneur disparaît
Chapitre II : Guillaume Seznec est arrêté
Chapitre III : La machination du Havre. L'homme à l'oeil clignotant
Chapitre IV : La machination du Havre. L'homme aux lunettes noires et l'homme à la casquette de marin
Chapitre V : La machination du Havre... et d'ailleurs
Chapitre VI : Un crime sans cadavre
Chapitre VII : Un mort flâne dans Paris (ndlr où sont cités les témoins de survie. Tous SAUF François Le Her)
Chapitre VIII : Aux assises
Chapitre IX : L'affaire des cadillacs
Chapitre X : L'Américain d'Alger
Chapitre XI : Du Tambour au Canon de la Marne (ndlr De la page 216 à la page 233, soit 18 pages)
Chapitre XII : Le Message de Guillaume Seznec
18 pages sur la piste du café "Au Tambour", c'est pas lerchem.... Sur un livre de 241 pages...
Paniquée que je suis, je me réfugie chez Bernez Rouz, en page 160 :
"L'hypothèse d'un assassinat dans les caves du café Au Tambour, quartier général des trafiquants d'automobiles, est évoquée en 1936."
Et oui, c'est le coup de la ceinture dans l'étalage de Louis Lohat "chef des Bretons de Paris"... Et oui, c'est même la requête en révision du 19 mai 1938 de Jeanne Seznec avec Me Philippe Lamour.
"Cette thèse est reprise par Claude Bal, auteur d'une enquête de proximité dans les années 1950. Il a surtout interrogé les anciens qui ont connu l'époque du Tambour et sa patronne Berthe Rallu. Il recueille ainsi maintes confidences qui laisseraient penser que Quéméneur aurait été victime d'un groupe de trafiquants qui gravitaient autour du bar Au Tambour. Il rencontre Boudjema Gherdi, le contact occulté de Quéméneur et Seznec à Paris, à qui il prête ces mots : "Mon jeune ami, vous n'ignorez tout de même pas que Quéméneur et Seznec venaient au Parc et Au Tambour pour traiter avec des hommes d'affaires qui n'étaient pas des enfants... Il n'était pas fou votre Seznec... il était comme les copains, il a fermé son bec".
Selon Claude Bal, le meurtre aurait eu lieu le 29 ou le 30 mai au café de Berthe Rallu. Quéméneur, porteur d'une importante somme d'argent, aurait reçu une balle dans la nuque puis aurait été achevé à coups de manche de pioche dans un chantier voisin et enterré sur place par Le Her et l'inspecteur Bonny."
Chez Claude Bal, je n'ai trouvé dans aucune des 18 pages concernées les noms de Le Her et de Bonny. Mais j'ai trouvé ça en page 231 :
"Un témoignage donne un plus grand poids à ce fait nouveau (ndlr le ceinturon chez Lohat):
Le 1er décembre 1953, un journaliste porta à la connaissance des avocats de Seznec, Mes Raymond Hubert et Jean-Baptiste Biaggi, des faits troublants. Ce journaliste a l'habitude des enquêtes, puisque ce fut grâce à ses recherches, alors qu'il était officier de la Sécurité militaire, qu'on put arrêter le docteur Petiot.
Il transmit le témoignage d'un ancien camionneur, M. Hector Le Quennec.
Ce dernier fréquentait le Tambour à l'époque de la disparition de Quemeneur. Or, un jour de la fin mai 1923, il entendit deux hommes, dont nous révélerons l'identité à M. le Garde des Sceaux, tenir les propos suivants :
- Il n'a pas résisté à mon manche de pioche, disait l'un.
- Qu'est devenu le cadavre ? demandait l'autre.
- Dans le chantier à côté : il a vingt tonnes de béton sur le ventre.
- Et ses chaussettes rouges ne déteindront pas ?
Ensuite, le témoin n'entendit plus rien. Il attendit le départ des deux hommes pour sortir de sa cachette, car, précise-t-il, j'avais peur pour ma peau et je ne voulais pas qu'ils sachent que je les avais entendus.
En outre, cet homme spécifie, non seulement que cette scène se passait fin mai 1923, mais aussi que la victime dont il était question était bien Pierre Quemeneur."
Le temoin de cette délicieuse conversation, c'est donc un ancien camionneur Hector Le Quennec. Quelqu'un en aurait-il entendu parler quelque part ? Car ce n'est pas mon cas... Mais il faut dire que je n'ai pas lu le célèbre rapport du commissaire René Camard !
On a bien compris que Jeanne Le Her avait supplié Claude Bal d'enlever toutes traces du nom de son mari dans son foutu bouquin (à lire dans l'article précédent la lettre de Guillaume et d'Albert Seznec au Garde des Sceaux). Le dit mari étant tout de même le principal témoin de survie de Pierre Quemeneur.
Quelle panade... Mais quelle panade...
Non content d'avoir recopié Maurice Privat et le Juge Hervé, pour le peu qu'il ait écrit de lui-même, il n'a pas seulement été foutu de vérifier la véracité des interviews de ses témoins..
Un livre tronqué. Des affirmations mensongères. Des témoins qui se rétractent. Une famille qui se bagarre à coup de dépêches AFP... Si les scénaristes de "Plus belle la vie" sont en panne d'inspiration, qu'ils n'hésitent pas à venir ici, il n'y a que l'embarras du choix !
Je me demande toujours comment les gens sont arrivés sur cette enquête.
Pour le juge Hervé (mort le 19 mai 1950), on nous laisse sous-entendre que Georges Clemenceau l'aurait nommé magistrat (bien qu'il n'en ait pas les diplômes) parce qu'il avait été responsable dans le service du contre-espionnage pour l'Ouest de la France...
Pour Claude Bal, on nous cite Roger Wybot, le grand patron de la DST (le contre-espionnage français)...
A défaut d'être vérifiées, ces vérités se colportent. Et ce sont elles qui font mal à l'affaire Seznec. Mais pour lui faire mal, elles n'arrivent pas à la cheville de Claude Bal !
Liliane Langellier
Additif requête révision Claude Bal