Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : la guerre de Pierre Quemeneur...

 

 

 

 

 

 

 


 

 

BREAKING NEWS... BREAKING NEWS... 


 

Ces Bretons là nous alignent le meilleur boulot

jamais réalisé sur l'affaire Seznec :

 

"Nous, les Seznec" : contre-enquête rigoureuse ou imposture ?...

A vous de juger !

 

 

 

 


 

 

 

"L'oubli et la mémoire sont également inventifs."

José Luis Borges

 

 

 

 

http://denis-langlois.fr/local/cache-vignettes/L336xH411/Pierre_Quemeneur_Photo_001-d08f6.jpg

L'une des deux seules photos de Pierre Quemeneur

(Archives Denis Langlois)

 

 

C'était hier...

 

Un petit passage au Secours Populaire pour voir ce qu'ils avaient comme bouquins. Il pleuvait. Les livres n'étaient pas installés sur les rebords de leurs fenêtres. Mais, à l'entrée, il y avait tout un tas de caisses par terre... Et, le premier livre de la première caisse fut pour moi : "Nous, les Seznec" toute première édition. Celle que j'avais prêtée. Et que je n'étais pas près de récupérer....

 

Bavardages, rires, dans cette chaleureuse ambiance de ces bénévoles qui aident les autres. A longueur d'années. Et puis, cette réalité. Tout le monde connait Seznec. Mais peu ou guère ne connaissent Quemeneur. Ici, à Lormaye (ndlr Oui, Dominique Hasselmann, on dit Lauremais, pas maille.... Ce qui n'empêche pas votre blog de faire la joie de mes petits matins ) on connait d'ailleurs plus Quemin que Quemeneur. Mais enfin, est-ce bien raisonnable ?

 

Alors, chaque fois, il faut répéter : "l'affaire Seznec, c'est en fait la disparition du conseiller général Pierre Quemeneur."

 

Lire sur ce blog : L'affaire Seznec : la piste de Lormaye : portrait de Pierre Quemeneur

 

Du coup, je me suis demandée, comment moi je l'avais connu la toute première fois Pierre Quemeneur ?

 

Réponse : dans le livre de Denis Seznec, édition 1992, justement, et en page 81 :

 

"(...) C'est dans le bois qu'il se lance : achat aux paysans, aux forestiers, fourniture de poteaux pour les mines. Puis, lorsque la guerre éclate, celle-ci lui permet, comme beaucoup, de passer au stade supérieur. Le Génie de l'armée consomme en effet une très grande quantité de poteaux de mine pour consolider les tranchées.

Les hostilités terminées, Pierre Quemeneur est un homme riche - très riche même. Son commerce est devenu international et ne couvre pas seulement l'Angleterre, la Sarre et la Belgique, mais les Etats-Unis. Des bateaux chargés de poteaux de mine vont et viennent entre Le Havre et l'Amérique. Il "pèse" désormais deux millions de francs or ! Le type même de l'enrichi de guerre..."

 

Quand vous lisez ça pour la première fois, on ne peut pas dire que Quemeneur vous soit sympathique !

 

Surtout quand on a eu un père comme le mien, qui vous a tout de suite mis à la coule sur les planqués des deux guerres mondiales....

 

Après, et bien après, vous allez chercher à en savoir plus. Autrement. Et ailleurs.

 

Momo Privat ne le gâte pas plus notre Quemeneur en page 49 :

 

"Curieux de tout, il s'informait dans les foires de ce qui pouvait s'acheter et vendre. Il excellait dans le rôle d'intermédiaire. Il aimait spéculer.

L'armée a ses idées sur l'utilisation des compétences. Paradis des débrouillards, elle permet aux habiles de trouver des filons. Dès que Pierre Quémeneur eut examiné les us de la réception des bois, dévolu à son service, il songea à en tirer parti. S'il devenait fournisseur, ne serait-il pas chargé de compter, jauger les marchandises commandées."

 

Là, c'est du Privat, hein ? On ne comprend pas vraiment si notre ami Pierre est dans l'armée. Ou pas. 

 

Si vous trouvez quelques lignes sur la guerre de nos deux lascars dans le livre du juge Hervé, surtout, faites-le moi savoir....

 

Chez Claude Sylvane, en page 35, court mais clair :

 

"On prétendait qu'il avait fait fortune pendant la guerre en achetant et en revendant des propriétés."

 

Claude Bal n'est pas du tout, mais alors pas du tout, concerné par l'histoire de nos deux amis pendant la première guerre mondiale...

 

Il faut quand même arriver en 1956 au livre de Jaffré, pour apprendre en page 17 que l'ami Pierre fut mobilisé :

 

"Il réussit pleinement dans ses affaires. Mobilisé pendant la guerre 1914-1918, dans la Marine à Brest, il pût continuer son négoce, devint l'un des fournisseurs attitrés de l'Intendance, alors que les constructions navales, les installations de camps pour les troupes américaines exigeaient une énorme quantité de bois d'oeuvre, de charpentes, de planches. Par la suite, lorsque revint la paix et que les Anglais réaménagèrent leurs mines du pays de Galles, il exporta sur Cardiff et Swansea des sapins tronçonnés en poteaux de soutènement.

Il édifia rapidement une fortune coquette, acquit à Landerneau une grande maison bourgeoise appelée "Ker-Abri", et sur les bords du Trieux, dans la commune de Plourivo (Côtes-du-Nord) un manoir et une propriété dite "Traou Nez" (Choses neuves), vaste de 90 hectares et plantée de milliers de sapins de Riga."

 

Vingt ans plus tard, Rieux et Nédelec sont plus bavards mais ils n'y vont pas avec le dos de la cuillère (page 13) :

 

"Pierre Quémeneur, à la déclaration de guerre, en 1914, était à la tête d'une affaire commerciale satisfaisante. Mais il visait plus haut. Il avait 37 ans. Servi par la chance, il ne fut pas envoyé au front comme tant de ses amis, qui devaient tomber au Champs d'Honneur, mais réussit à gonfler ce lot des "embusqués", emplissant leur gousset pendant les hostilités. Mobilisé à l'Intendance de Brest, il fut choisi comme fournisseur de bois de toute nature, pour les troupes américaines. Les Yankees, avec leurs installations de fortune, leurs baraquements, leur chauffage, étaient des "dévoreurs" de bois. Face à cette situation, Quémeneur fut, sans scrupule un avaleur de dollars. De 1915 à 1918, il réalisa ainsi grâce à nos alliés, une véritable fortune. Ses voeux étaient comblés, l'armistice le trouva en plein épanouissement. Alors que la France pleurait ses morts, Quémeneur, comme bien d'autres, ne savait que faire de son or."

 

Chez Maître Denis Langlois, en page 21 :

 

"Des veaux et de l'alcool, il était passé au charbon de bois, puis au bois tout court, quand un ami lui avait dit qu'il y avait de l'avenir dans la profession.

La guerre avait éclaté et il n'avait pas raté l'aubaine. Sa revanche sur la pauvreté, il la tenait.

Versé comme toi dans le service auxiliaire, il était vite devenu l'un des fournisseurs attitré de l'intendance de Brest. L'armée avait-elle besoin de poteaux ou de planches pour ses ponts ou ses tranchées, de bois d'oeuvre pour ses bateaux, il courait la campagne à la recherche d'un paysan aux abois qui accepterait de vendre une coupe d'arbres ou une forêt entière. Il facturait au prix fort et empochait la différence. Quand il y avait trop de réticence de la part des propriétaires, il obtenait un ordre de réquisition et l'affaire était réglée.
Comme pour toi, l'arrivée des troupes américaines en 1917 avait décuplé ses bénéfices. A ce jeu, il avait fini la guerre avec 2 millions de francs. Une petite fortune."

 

Et pour clore, allons picorer chez l'ami Bernez Rouz, en page 19 :  

 

"Pierre Quéméneur a 37 ans quand la guerre éclate. Il est trop vieux pour aller au front. Il est mobilisé dans la marine à Brest. Il est chargé pour le génie de l'approvisionnement en bois. Une situation dont il profite pour continuer son négoce. Il commerce avec les constructions navales et la base américaine, grande consommatrice de bois pour les baraquements. Il est le fournisseur attitré de l'intendance. L'un de ses réprésentants à l'époque, Guillaume Pallier, témoignera de son honnêteté (in Déposition de Guillaume Pallier, ancien représentant de commerce, accrédité à la marine nationale, pendant la guerre de 14-18, le 3 juillet 1923.) : "Quéméneur était un homme loyal, probe, d'une bonne instruction, il a gagné sa fortune pendant la guerre en vendant du bois pour son compte tout en étant mobilisé pour le génie".

Pierre Quéméneur est cité comme négociant en bois à Saint-Sauveur pendant toute la guerre 14-18."

 

 

 

Pierre n'est pas allé se battre au front. Guillaume non plus.

 

La grande différence, c'est que Pierre n'a pas, comme son comparse Guillaume, "bricolé" des petites affaires mais qu'il a su profiter d'une situation de demande pour acheter et vendre du bois. Ce qui ne s'est pas fait tout seul. Il a du donner du temps, de l'astuce, et de l'entregent pour en arriver là... Alors, pensez bien, les gens ne voient pas le travail fait mais l'argent gagné. Et l'argent, c'est bien connu, ça fait toujours des jaloux... 

 

Liliane Langellier

 

 

 

http://1.bp.blogspot.com/_VOznvKS8PDU/S_9hLeoeVHI/AAAAAAAAApY/k7bj-LjXVsA/s1600/Massiges1.jpg Utilisation du bois dans les tranchées

 

 

P.S. Me voilà avec le terme "service auxiliaire de l'armée" comme une poule avec une cuillère. Dormait-on en casernes ? Restait-on chez soi en attente de ?? A quels services était-on précisément affecté ???

 

Je pense avoir trouvé quelques réponses fort intéressantes sur le Forum Pages d'Histoires - Forum Pages 14 - 18 :

 

"On parle de service auxiliaire. Y étaient affectés - après examens, commissions, etc. - les hommes qu'un état de santé défaillant ne permettait pas d'employer sur le front mais qui pouvaient tout de même être appelés sous les drapeaux afin d'exercer un emploi - militaire ou civil, et en fonction de leurs compétences professionnelles - dans la Zone de l'Intérieur. On pouvait donc qu'être affecté à un régiment, et être détaché hors du dépôt pour occuper l'emploi prescrit."

 

ET AUSSI : 

 

"Selon la Loi du 15 juillet 1889. Traité pratique du recrutement et de l'administration de l'armée française, 1889, pages 98 à 100. (disponible sur Gallica à cette adresse :  http://gallica.bnf.fr/ark12148/bpt6k57248823 ), il est dit :


 

DU  SERVICE AUXILIAIRE
 
Notice sur le service auxiliaire
 
Le législateur de 1872 en instituant le service auxiliaire a eu évidemment pour but de réserver à l'armée active, en cas de guerre, toutes les forces vives de la nation. C'est pourquoi il a pensé qu'un homme d'une complexion faible ou de petite stature, mais non infirme, pouvait rendre des services dans des corps spéciaux et non mobilisables. Antérieurement à 1872 il n'y avait pas de juste milieu : l'homme était bon pour le service, ou définitivement exempté de tout service.
 
Nous résumons dans le paragraphe qui suit les obligations qui sont imposées aux hommes classés dans le service auxiliaire. Nous pensons qu'il est utile de faire connaître sommairement la composition et le recrutement de ce service.
 
Tout homme reconnu par le conseil de révision incapable de faire un bon service actif dans l'armée, soit par suite de faiblesse ou de défaut de taille, est ajourné à un ou deux ans. Si après les deux ajournements l'état physique général de l'homme ne comporte pas l'exemption définitive, il est classé dans le service auxiliaire. Il est assujetti, à moins d'indigence notoire, à la taxe annuelle militaire ; et peut se marier sans autorisation de l'autorité militaire.
 
Obligations imposées aux hommes du service auxiliaire
 
Les jeunes gens classés dans les services auxiliaires sont, comme les autres jeunes gens de leur classe, à la disposition du Ministre de la Guerre pour tout le temps qu'ils ont à accomplir, en vertu de l'art. 37 de la loi. Ils ne peuvent être affectés à aucun service armé. Ils sont destinés à compléter, en cas de guerre, le personnel nécessaire aux services ci-après désignés, et peuvent, le cas échéant, être mis à la disposition de l'industrie privée pour l'exécution de travaux relatifs à l'armée.

 


En temps de paix, ils peuvent être soumis à des revues d'appel au chef-lieu du canton où ils ont tiré au sort ou au lieu de leur résidence. Les Préfets, dans l'itinéraire du conseil de révision, pour chaque année, qui est publié par voie d'affiche dans toutes les communes,font connaître les classes qui sont soumises à la revue d'appel. Chaque homme du service auxiliaire peut donc ainsi savoir annuellement s'il est soumis à cette revue. Ils reçoivent un livret individuel et un ordre d'appel également individuel indiquant le service dans lequel ils sont classés (circ. du 28 mars 1877).
 
Tableau des services auxquels ils peuvent être affectés
 
1° — Travaux de fabrication et de réparation du matériel de toute nature.
2° — Travaux relatifs aux fortifications et aux bâtiments militaires.
3° — Travaux concernant la construction, la réparation et l'exploitation des voies ferrées et des lignes télégraphiques.
4° — Hôpitaux et ambulances.
5°.— Magasins d'habillement, d'équipement, de harnachement et de campement.
6° — Subsistances, manutentions, magasins.
7° — Transports militaires.
8° — Bureaux des états-majors, du recrutement, de l'administration et des dépôts des différents corps de troupe.
 
Ils sont affectés à ces divers services en raison de leurs aptitudes professionnelles, d'après les indications prises, en séance de révision, par le commandant du recrutement.
 
Répartition dans les divers services auxiliaires

 

La répartition est établie et transmise aussitôt la clôture des listes de recrutement cantonal, au général commandant le corps d'armée par l'officier de recrutement qui, pendant les opérations de révision, a pris des renseiguements sur la profession, le degré d'instruction et l'aptitude physique de chacun des hommes compris dans le service auxiliaire, elle est susceptible, au besoin, de modifications ultérieures et est adressée, en juillet de chaque année, par les généraux en chef au Ministre de la Guerre qui arrête et détermine, le cas échéant, lé nombre d'hommes qu'ils devront fournir aux corps d'armée voisins ou en recevoir, suivant les ressources que présentent les régions (circ, du 28 mars 1877).

 

A l'heure où la société française est soumise à des sacrifices, ces derniers sont considérés, par l'opinion publique, comme des embusqués ou des favorisés car mis à l'écart de l'effort de guerre. Pour le ministère de la Guerre, ils deviennent un réservoir de combattants non négligeable. Toutes les mesures prises auront pour conséquence immédiate de réduire progressivement le nombre d'hommes non mobilisés dans le pays."

 


 

Guillaume Seznec était déjà blanchisseur. Et surtout très bricoleur.

Pierre Quemeneur faisait commerce de bois.

Ils ont donc été employés dans les services auxiliaires de l'armée selon leurs compétences respectives.

CQFD.

 

 

 

 

 

P.S. Lundi 4 novembre 2013 / 12 h 45


Pierre Lemaitre - dont le roman parle de faits qui se rapprochent de notre affaire - vient de se voir attribué le Prix Goncourt.

 

J'avais déjà parlé de ma chronique sur ce blog le 18 septembre dernier. Mais je vous en reparle encore :

Pierre Lemaitre : "Au revoir là-haut"

 


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Commenter cet article
L
<br /> Roland Agret a commenté en beauté le travail de nos bretons sous le titre "Nous les Seznec" par Denis Le Her alias Seznec : Sur<br /> un air de cornemuse qui prend un coup de corne de brume.<br /> <br /> <br /> C'est à lire ici : http://rolandagret.blog.lemonde.fr/2013/10/20/nous-les-seznec-par-denis-le-her-alias-seznec-sur-un-air-de-cornemuse-qui-prend-un-coup-de-corne-de-brume/<br />
Répondre
L
<br /> <br /> Il faut aller lire l'article de Roland Agret. Le talent, ça ne s'invente pas...<br /> <br /> <br /> Et puis c'est sympa d'apprendre en lisant les commentaires que certains retrouvent enfin leur humour. Et d'autres leurs esprits !<br /> <br /> <br /> <br />