Affaire Seznec : La piste de Lormaye

Pierre Quémeneur a-t-il été assassiné par Guillaume Seznec à Lormaye ?

Affaire Seznec : la Banque Privée Coloniale (B.P.C.)

Ah... La Banque Privée Coloniale... La B.P.C., pour les initiés...

 

Pour certains, une coquille vide. Un bureau. Avec juste une boîte à lettres au 150, avenue du Maine, Paris 14ème.

 

Pour d’autres, la plaque financière tournante du trafic des Cadillac.

 

Plutôt que de passer d’un extrême à l’autre, essayons de connaître un peu mieux les personnages qui tiraient les ficelles de cette curieuse société….

 

A part cette petite intro, j'ai invité sur mon blog l'ami Thierry Lefebvre.

Qui a passé des jours et des jours à faire des recherches.

Car un sujet, sachez-le, ce n'est pas juste une phrase et une photo....

 

A vous, Thierry...

VACQUIÉ

 

- Jean Martial Aymard Vacquié est né le 1er juillet 1875 à Saint-Maurin (47260).
Fils d’Antoine Vacquié, 28 ans, notaire, et de Jeanne Noémie Borie, 25 ans, sans profession.

Il fut maire de la commune de Saint-Maurin, élu conseiller général de Lot-et-Garonne en 1906 en remplacement de son père décédé, avocat à la cour d’appel d’Agen, voire substitut du procureur de la République.

 

- Jean Gaston Maximin Vacquié est né le 27 décembre 1880 à Saint-Maurin (47260)
Fils d’Antoine Vacquié, 33 ans, notaire, et de Jeanne Noémie Borie, 30 ans, sans profession.

Il fut notaire, élu maire de la commune de Saint-Maurin en 1906 en remplacement de son frère élu conseiller général. Plus jeune maire de France.

1906

Décès d’Antoine Vacquié, père des deux frères.

1910

Arrêté à Nice en mai, il est inculpé d’abus de confiance. Sa femme informe la presse que son mari est innocent. (Ndlr : Aucune mention de mariage en marge de son acte de naissance alors qu’elle est portée en marge des actes de naissance des époux depuis le 17 août 1897 (art. 76 du Code Civil). Peu de chance qu’il se soit marié avant 17 ans mais c’est possible).

1911

Il a délaissé sa femme et son pays natal où ses frasques étaient un objet de scandale public et a été s’installer en compagnie de sa maitresse, Thérèse Bourgues, à Levallois-Perret (92) dans  un petit logement uniquement composé d'une chambre et d'une cuisine au fond d'une cour. Sur la porte il pose une plaque de cuivre avec ce mot "Contentieux".
Il a déjà été condamné à deux reprises pour escroqueries et a dû abandonner sa charge de notaire, contraint par d’impérieuses nécessités dont la plus décisive était la menace de poursuites judiciaires.
Il est poursuivi par le tribunal correctionnel de Nice (06), où il avait installé il y a quelques années rue Pastorelli une agence où l’on s’occupait de diverses sortes d’affaires, pour banqueroute.
Dans le même temps, il est arrêté à Levallois pour escroquerie avec trois complices dont sa maitresse.

1912

Les deux frères, à la tête d’une bande noire, passent devant la onzième chambre du tribunal correctionnel de la Seine. Ils ont dilapidé la fortune de leur père et vivent d’expédients. Ils achètent, à crédit, des marchandises de toute espèce qu’ils revendent à bas prix.
Aymard, qui a déjà donné sa démission d’avocat à la cour d’Agen, démissionne de ses fonctions de conseiller général.
Reconnus coupables du délit d’escroquerie, Jean-Martial Aymard est condamné à dix-huit mois de prison et son frère Gaston à deux ans de la même peine.

1913

Il crée le Comptoir Marocain en septembre, siège social 25 rue de la Tour, capital social 600.000 francs, divisé en 6000 actions de 100 francs dont 5300 à souscrire en numéraire. Il est propriétaire de la publication Maroc-Revue.
En novembre, le siège a déménagé au 6 rue Cernuschi, dans deux pièces sous-louées dans un vaste appartement, au rez-de-chaussée, d’une société très honorable s’occupant d’affaires nouvelles. Un juge d’instruction est chargé par le parquet d’ouvrir une information sur les opérations délictueuses de Jean Vacquié, déjà quatre fois condamné pour escroquerie et abus de confiance. Il fut prévenu par une indiscrétion que la police enquêtait sur son compte. Aussitôt il annonça à ses employés et à ses clients qu’il partait au Maroc pour une tournée d’inspection et serait bientôt de retour, mais l’ancien notaire empocha l’argent déjà versé par les souscripteurs, prit le train pour Bruxelles et demeura introuvable.

1914

La guerre éclate et il disparait des écrans radar...

 

 

1921

On le retrouve au 48 rue Fabert à Paris. Il fait passer une annonce dans l’Express du Midi, pour la Banque Privée Coloniale installée à cette adresse, afin de recruter des correspondants sérieux ayant des relations et leur promet une bonne rémunération.

1922

Le 25 février est inscrit au registre du commerce de Metz (57), Vol. V du registre des firmes, n°201, la raison sociale « Banque Privée Coloniale », Gaston Vacquié, avec siège à Paris et succursale à Metz. Propriétaire Jean-Gaston Vacquié banquier à Paris.

Le 20 juin, il dépose au rang des minutes de Me Faroux, notaire à Paris, les statuts d’une société en commandité par actions qu’il se proposait de fonder et qui prend la dénomination « Banque Privée Coloniale Vacquié & Cie » ayant siège au 150 avenue du Maine, Paris. Il fait passer une annonce dès le 14 juin dans Le Matin pour proposer une belle situation à qui pourrait apporter 30.000.

Le 28 août, il fait passer une annonce dans Le Matin pour recruter un directeur commercial pour l’enseigne des « Comptoirs Coloniaux » à la même adresse.

En octobre et novembre, il multiplie les annonces, sous son nom propre, dans différents journaux pour recruter des secrétaires généraux pour Paris et la Province, notamment pour la région de Rennes.

En décembre, la Compagnie Parisienne des Comptoirs Coloniaux émet des obligations de 500 francs dont les souscriptions sont reçues dans les agences de la Banque Privée Coloniale de Brest, Landerneau, Lesneven et Plouescat.

1923

Nouvelle annonce d’émission de bons 6% de 500 francs à lots. Les souscriptions sont reçues par correspondance à la Banque Privée Coloniale, Paris, et dans ses succursales de Brest, Landerneau, Lesneven et Plouescat. Les titres sont envoyés par retour.

D’autres annonces provenant du 150 avenue du Maine pour le compte de Machefer et de la Sté de Bonneterie Courrent.

Plusieurs annonces d’appartements vacants au 150 avenue du Maine.

Création de la succursale de la Banque Privée Coloniale Vacquié & Cie à Le Blanc.

Suppression de la succursale de Toulouse et création de celle de Béziers.

1924

7 janvier, on propose une belle situation à qui apporterait 40.000. Écrire Georges, 150 ave. du Maine.

17 janvier, Casino recherche administrateur avec 200.000. Banque, 150 ave. du Maine.

29 janvier, la Banque Privée Coloniale de Cherbourg recrute de bons correspondants financiers.

6 mars, un ancien employé de la Compagnie Parisienne des Comptoirs Coloniaux, 150 avenue du Maine à Paris, où il fut employé il y a deux ans, est arrêté à Tours pour escroquerie et amené à Nevers où il a été mis à la disposition du parquet. Au siège de Compagnie Parisienne des Comptoirs Coloniaux, on confirme que l’ancien valet de ferme fit partie du personnel mais qu’on dut le congédier à la suite d’indélicatesses et qu’il lui fut défendu formellement de placer des titres au nom de la maison.

15 mars, l’assemblée générale de la Banque Privée Coloniale approuve les comptes du 1er exercice social faisant ressortir un bénéfice net de 88.774 francs et permettant la répartition de 9% sur le capital versé au 31 décembre 1923. Les coupons sont payables au siège social 150 avenue du Maine à Paris, à Brest et dans les agences de Bretagne (Landerneau, Lesvenen, St-Renan, St-Pol-de-Léon, Châteuneuf-du-Faou, Ploërmel, Pont-l’Abbé)

15 avril, la police spéciale de Brest vient de terminer une enquête menée depuis deux mois dans les campagnes finistériennes. Une perquisition opérée à la succursale brestoise de la Banque Privée Coloniale a démontré que des escrocs agissaient sur ordres du directeur parisien de cet établissement.

16 avril, Vacquié prend le train pour Brest dans le but de s’expliquer auprès du procureur de la République. Il laisse sous-entendre que sa succursale de Bretagne gêne pas mal de monde et qu’on veut la faire disparaitre. Le lendemain, il n’est pas resté plus d’une minute dans le cabinet de M. Desgranges, juge d’instruction.

20 avril, la police spéciale et les parquets de Brest, Morlaix et Châteaulin continuent activement leurs enquêtes sur les scandaleuses méthodes des établissements financiers. Perquisitions, interrogatoires et investigations se succèdent sans relâche.

26 avril, sur mandat M. Gentil, juge d’instruction, M. Vidal, commissaire à la sûreté générale, a perquisitionné au domicile de Vacquié à Meudon-Bellevue pendant que M. Pachot, commissaire aux délégations judiciaires, perquisitionnait les bureaux du siège de la Banque Privée Coloniale au 150 avenue du Maine à Paris. Vacquié est inculpé d’infraction à la loi du 12 février 1924 sur le trafic des valeurs françaises. En attendant l’examen de tous les documents saisis, il est laissé en liberté.

1er mai, Vacquié est arrêté, inculpé d’escroquerie et d’abus de confiance et est écroué à la Santé. Tout l’actif de la banque (8000 francs) a été saisi avenue du Maine, des instructions ont été transmises aux parquets pour que soient fermées et mises sous scellés les succursales de la Banque Privé Coloniale de Cherbourg, Béziers, Le Blanc et Brest. Il ressort qu’avant de devenir Banque Privée Coloniale, l’établissement de Vacquié s’était appelé successivement Comptoir Marocain, Comptoir Général Marocain, Banque Coloniale de Crédit, etc… Toutes les fois qu’il se sentait en péril, le banquier modifiait son enseigne.

12 mai, suivant délibérations de l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Banque Privée Coloniale, société en commandité par actions Vacquié & Cie dont le siège est à Paris 150 avenue du Maine et ayant une succursale à Le Blanc 13 place du Marché, il appert que la société dissoute par anticipation. Monsieur J. Cerf, avocat demeurant à Paris 80 rue Taitbout, en a été nommé liquidateur avec les pouvoirs les plus étendus.

16 mai, M. Pachot enquête actuellement dans le Finistère où il a procédé à Brest à l’examen des livres de la succursale de l’agence de la Banque Privée Coloniale.

30 août, M. Dollin du Fresnel, président des assises du Finistère pour le quatrième trimestre de l’année 1924, a donné mission à la police parisienne d’entendre différents témoins à l’effet d’établir les relations d’affaires ayant pu exister entre M. Quémeneur et la Banque Privée Coloniale. M. Vacquié est, depuis son arrestation en avril, écroué à la Santé.

15 octobre, Vacquié est mis en liberté provisoire sous caution par une ordonnance de M. Genty, juge d’instruction.

1925

On remarque quelques annonces au plus offrant suite à la faillite Vacquié & Cie.

1927

3 mars, Vacquié passe devant la onzième chambre correctionnelle pour escroquerie. On lui reproche d’avoir escroqué plus de trois millions de francs, notamment en Bretagne. Le tribunal remet son jugement à jeudi prochain

23 avril, la 11è chambre correctionnelle lui a infligé 4 ans de prison et 40.000 francs d’amende.

Août 1927, avec Charmot, il charge Me Elluen notaire à Pontoise, de dresser l’acte de constitution d’une société au capital de 200.000 francs, mais pouvant être porté à 10 millions, société dont le titre était « Société d’Exportation France-Amérique du Sud » avec siège au 6 boulevard de Starsbourg, Paris. Aussitôt la société constituée, de nombreux prospectus sont envoyés indiquant que l’affaire avait pour but l’exploitation des richesses du Brésil et le développement du trafic entre ce pays et la France. Les régions où furent le plus répandues les circulaires de la société, le Nord et l’Est de la France, levèrent des actionnaires

1928

Novembre, les premières plaintes arrivent au parquet de Lille. De nombreux actionnaires ne voyant pas venir les dividendes promis sont inquiets.

Décembre, M. Ameline, commissaire aux délégations judiciaires, s’est rendu 6 boulevard de Strasbourg, où était installé depuis dix-huit mois environ le siège de la société, un petit bureau seulement meublé d’une table et d’une chaise, loué 850 francs par mois au troisième étage. Quelques titres et un semblant de comptabilité furent saisis.
Vacquié, qui avait le titre de directeur général, ne paraissait guère qu’une fois par mois dans ce bureau, c’est le directeur commercial, M. Courent, qui recevait les clients. Charmot ne venait plus depuis longtemps. Aux premières difficultés, Courent disparut sans payer le terme. Condamné à quatre ans de prison pour le krach de la Banque Privée Coloniale dont il était administrateur, Vacquié faisait appel de ce jugement.

1929

Janvier, Vacquié est arrêté à Lisbonne où il faisait une large distribution d’imprimés pour la fondation à Lisbonne d’un « syndicat financier France-Portugal pour l’achat et la vente de toutes les valeurs au comptant et à terme du marché officiel et du marché en banque à Paris et à l’étranger, y compris le Portugal, et pour la constitution, l’émission et l’introduction en bourse de toutes les entreprises créées et à créer ».

La police portugaise a reçu un télégramme des autorités françaises demandant l’extradition de Vacquié. Cette demande sera accordée.

.................................

N.B. Et Thierry se demande si c'est bien clair que l'escroc c'est le plus jeune.. L'ainé n'a fait que suivre et s'est rangé dès sa première inculpation

Superbe travail de recherches !

La question pour un champion reste :

Pierre Quémeneur - qui devait quand même lire la presse au jour le jour - a-t-il pu tomber malgré tout dans l'arnaque Vacquié ?

Et les 100.000 francs - après lesquels il courait si vite et si fort - étaient-ils destinés à obtenir un poste de directeur d'agence à la B.P.C. ?

A entrer dans leur Conseil d'Administration ?

Je rappelle, à toutes fins utiles, qu'un acte de naissance a été trouvé dans la valise de Pierrot abandonnée en gare du Havre.

Peut-on penser que Beysseyre des Horts, banquier à Landerneau qui vendit La Banque nationale de l'Ouest  (dont Quémeneur était client) à Vacquié et qui fut secrétaire de la B.P.C. aurait servi d'intermédiaire entre les deux hommes ?

En lire plus en page 4, 1ère colonne, dans L'Indépendant du Berry du 16 février 1924.

Est-ce lui que l'on retrouve cité à Saïgon en 1924 dans l'Annuaire Général de L'Indo-Chine française ?

Faute d'avoir la réponse, j'ai toujours les questions...

Bonne lecture à tous !

 

Liliane Langellier

  

 

Le banquier Vacquié.

Le banquier Vacquié.

Le Journal du 8 décembre 1911.

Le Journal du 8 décembre 1911.

Le Journal du 12 décembre 1911.

Le Journal du 12 décembre 1911.

Le Petit Parisien du 28 décembre 1911.

Le Petit Parisien du 28 décembre 1911.

Le Journal du 2 mars 1912.

Le Journal du 2 mars 1912.

La Revue Marocaine du 5 septembre 1913.

La Revue Marocaine du 5 septembre 1913.

La Lanterne du 14 novembre 1913.

La Lanterne du 14 novembre 1913.

L'Express du Midi du 29 novembre 1921.

L'Express du Midi du 29 novembre 1921.

Le Courrier du Finistère du 2 décembre 1922.

Le Courrier du Finistère du 2 décembre 1922.

Le Journal du 5 octobre 1922.

Le Journal du 5 octobre 1922.

Le Temps du 23 décembre 1922.

Le Temps du 23 décembre 1922.

Le Temps du 25 avril 1922.

Le Temps du 25 avril 1922.

L'Ouest-Eclair du 1er octobre 1922.

L'Ouest-Eclair du 1er octobre 1922.

L"Ouest-Eclair du 15 octobre 1922.

L"Ouest-Eclair du 15 octobre 1922.

Arrestation de Vacquié in L'Ouest-Eclair du 2 mai 1924.

Arrestation de Vacquié in L'Ouest-Eclair du 2 mai 1924.

L'Ouest-Eclair du 30 août 1924.

L'Ouest-Eclair du 30 août 1924.

Le Petit Parisien du 4 mars 1927.

Le Petit Parisien du 4 mars 1927.

Le Journal du 29 décembre 1928.

Le Journal du 29 décembre 1928.

Le Matin du 3 janvier 1929.

Le Matin du 3 janvier 1929.

Le Petit Parisien du 5 janvier 1929.

Le Petit Parisien du 5 janvier 1929.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Je confirme, superbe travail de recherches! Il y a toute une histoire derrière la B.P.C.
Répondre
L
Si vous connaissez l'histoire de la B.P.C., ne vous privez surtout pas de la partager.<br /> Pour moi, et jusqu'à ce que l'on me prouve le contraire, elle reste une coquille vide qui a servi de base à trois escrocs pour escroquer. Ce qui est le propre des escrocs, isn't it ?